Comme chaque année, la rentrée scolaire est l’occasion d’une communication importante de notre hiérarchie, ce qui laisse croire que la scolarité d’un élève pourrait se résumer à ce seul jour. Cette année , nous avons été particulièrement gâtés avec une intervention du Président de la République en personne, envisageant une reprise le 20 août pour les élèves en difficultés, annonce pour le moins populiste et dont les professionnels auront mesuré le non-sens pédagogique qui consiste en : priver de vacances ceux qui en ont le plus besoin.

Dans cette surenchère de la communication, la palme revient sans doute à notre nouveau ministre de l’Éducation Nationale qui confirme une ligne gouvernementale très réactionnaire tellement éloignée de la réalité du métier enseignant, de la vie dans nos écoles :

Loin d’apporter un souffle nouveau ces différentes prises de position reflètent tout  le mépris qu’ils ressentent pour les personnels :

  • Quand nous posons la question du manque d’attractivité du métier enseignant on nous répond abaya.
  • Quand nous nous inquiétons des classes surchargées on nous parle d’uniformes.
  • Quand nous interpellons sur le mal être de nos élèves à l’école on nous répond harcèlement.
  • Quand nous abordons la question des problèmes de remplacement et des classes sans enseignant on nous répond aujourd’hui « choc des savoirs » et classe de niveaux.
  • Que dire de la promesse, d’ « Un enseignant pour chaque classe ». Notre ministre aurait dû nuancer, pour être tout à fait honnête « le jour de la rentrée seulement » ! Près de 3000 postes non pourvus aux concours de recrutement du 1er et du 2d degré, et donc une nouvelle promesse non tenue malgré la parution  des petites annonces fin août sur le site de Pôle Emploi ou sur Facebook….

Pourtant, en cette rentrée, il manque des personnels à tous les étages :

  • Il manque des enseignant.es, ce manque de personnels récurrent dégrade les conditions de travail de toutes et tous. La situation loin de s’améliorer sans prise de décisions fermes et volontaristes ne sera que de mal en pis car  les besoins de recrutements à court et moyen terme sont importants  selon la DARES : 329 000 enseignants à recruter d’ici 2030.
  • Il manque des Conseillers principaux d’Éducation. Trop d’établissements n’ont pas de postes à temps complets ou en sous effectifs (au niveau national il manque au bas mot 5 000 postes).

 

  • Il manque également des assistant.es sociales, dans les collèges et lycées et maintenant à l’inspection académique.
  • Il manque également des infirmier.es rendant les dactions de prévention quasi impossible et les visites médicales en primaire réduites à peau de chagrin.
  • Pour certains élèves à besoins particuliers, il manque aussi des AESH ! Les AESH étaient dans l’action le 3 octobre partout en France, ont-ils été entendus  par notre DASEN, notre rectrice, notre ministre ? Entendu à peine au niveau local, écouter en aucun cas ! On leur a expliqué tout le bien qui était fait pour eux. Niant par la même leur parole, leur ressenti, leur mal-être.

Les promesses d’embauche sont bien loin de couvrir les besoins avec une augmentation des demandes d’accompagnement pour notre  département. Cette profession devenue indispensable peut, elle aussi, légitimement se sentir méprisée, tant pour ses conditions de travail que pour le salaire sous le seuil de pauvreté, du fait de temps partiels souvent subis.

  • Pour terminer cet inventaire, n’oublions pas qu’en cette rentrée, nous manquons également toujours de médecins scolaires, 1 seul médecin pour tout le département
  • de psychologues EN : 14 postes mais seulement 12 de pourvus dont 2 par des contractuels  et une interdiction par le rectorat  de recruter même des contractuels pour combler les manques.

 

Ce n’est pas le Pacte, ce « travailler plus pour s’épuiser plus », qui rendra le métier plus attractif. D’ailleurs, la majorité des enseignants ne s’y est pas laissée prendre : d’après les chefs d’établissement, dans 30% des collèges et lycées de France, aucun pacte n’a été signé, et seulement 23 % des briques de pactes ont trouvé preneur. Et même s’il trouvait son public, ce « bricolage » ne suffirait pas à masquer des années de destructions de postes d’enseignants.

Et tel un pompier pyromane, notre administration centrale promeut le recrutement  tant bien que mal des contractuels, sans formation, voire même sans les diplômes requis,  pour pallier la carence d’enseignants et de personnels dont elle est responsable et dont elle aurait dû anticiper l’absence.

 

Il n’y a donc que dans les classes qu’on fait le plein : – dans les collèges bien souvent, 30 élèves par classe et, dans les lycées, c’est le plus souvent 35 élèves., Il faut aussi y installer les AESH, .

On marche sur la tête !

 

Après le Grenelle de l’éducation, le ministre entend ouvrir aujourd’hui une pseudo concertation sur l’attractivité du métier enseignant dans un contexte particulier : le fossé grandissant entre la réalité que les personnels vivent et les déclarations ministérielles, présidentielles, ce qui alimente une défiance grandissante envers la parole politique …

 

L’Éducation nationale ne peut se gouverner sans ou contre les personnels et leurs représentants. Une concertation sur l’attractivité de nos métiers sans mesures salariales poursuivies et sans prise en compte des conditions de travail ne conduirait qu’à aggraver la crise que traverse l’Éducation nationale et dont l’administration centrale que vous représentez serait  largement responsable.

Il faut que cesse ces communications grossières, démagogiques, flirtant avec les idées d’extrême droite. Nous ne sommes pas dupes de ces stratagèmes que nous continuerons de dénoncer conscients  qu’au-delà des annonces médiatiques se dessine un projet libéral dans lequel la destruction du service public et notamment celui de l’Éducation  avance à grand pas

 

Dans cette même veine depuis le printemps, les stigmates d’un durcissement politique sont nombreux : durcissement des politiques de maintien de l’ordre, répression des mouvements sociaux et citoyens  avec  bâillonnement des voix contestataires, haro sur les services publics avec la scandaleuse campagne “en avoir pour mes impôts” : signes d’un virage gouvernemental assumé !

Ce ne sont pas les annonces du chef de l’Etat et du gouvernement en fanfare sur une soi-disant  “débauche de moyens”, qualifiés comme de coutume d’historiques, qui nous rassureront quand elles s’accompagnent dans le même temps d’annonces d’économies budgétaires de 15 milliards d’euros qui ne seront pas pris bien entendu  sur les aides aux grandes entreprises et sur leurs bénéfices sans cesse croissants.

 

Nous, agents de la fonction publique, nous ne sommes plus dupes :

  • la crise du recrutement historique dans les trois fonctions publiques ne sera pas résorbée avec les mesurettes financières annoncées mi-juin par le gouvernement. La crise des moyens financiers ne trouvera pas d’issue avec les drastiques coupes budgétaires réalisées sur l’Éducation, hors Service National Universel bien sûr, sur la santé et les collectivités territoriales.
  • La crise de reconnaissance et de légitimité ne s’apaisera pas tant que le gouvernement lui-même organisera le fonctionnaire-bashing au mépris des personnels dont l’engagement n’a eu de cesse d’être reconnu par les usagers lors de la crise covid (déjà oubliée…).

 

Pourtant les services publics, représentent l’intérêt général.  Et l’intérêt général ce n’est pas la somme des intérêts individuels comme le pensent bon nombre d’élus de la majorité. Mais bien l’intérêt de tous. Cet  intérêt général, pensé à l’après-guerre et qui est, plus que jamais, en danger.

 

Enfin, pour terminer notre intervention, nous tenons à souligner que nous sommes réunis en ce mercredi après-midi pour aborder les questions scolaires de cette rentrée. Et pourtant nous sommes là, nous enseignants, certains en établissement ce matin et tous devant préparer la classe et faire les corrections nécessaires cet après-midi pour être opérationnels demain devant nos élèves et ce malgré l’accord avec le rectorat sur le fait de ne pas convoquer de réunions institutionnelles les mercredis. Nous vous le disons officiellement, c’est bien la dernière fois que nous siégeons  dans ces conditions!

 

Nous sommes censés ici organiser le bien vivre l’école et bien vivre à l’école. Voilà ce qui devrait faire consensus. Mais encore une fois nous ne pouvons que déplorer  le peu de cas fait des enseignants et des engagements pris. Cela s’inscrit dans une continuité qui nous désole et qui démotive les collègues. Il est urgent aujourd’hui d’arrêter de faire de la politique politicienne et de prendre à bras le corps réellement les problématiques de l’École et de ses agents. Il en va de la survie de notre École républicaine !