Le Conseil National d’Evaluation du Système Scolaire (CNESCO) vient de publier un rapport accablant sur le système scolaire français, en faisant le constat de la reproduction au sein de l’école, des inégalités sociales avec pour marqueurs principaux : la ségrégation scolaire, le manque de prise en charge de la difficulté scolaire, les choix pédagogiques qui excluent les élèves des milieux populaires des apprentissages et l’insuffisance du budget alloué à l’éducation prioritaire.
L’exemple sans doute le plus flagrant, qui frôle la caricature, est celui des collèges parisiens au nombre de 175 (dont 60 privés sous contrat) et dans lesquels si une réelle mixité sociale était réalisée, nous devrions trouver dans chaque collège 16% d’élèves venant de milieux socialement défavorisés. La réalité est bien différente puisque certains établissements n’accueillent que 1% voire moins d’élèves de ces milieux (étude réalisée par Jean Grenet : économiste).
Au lycée, les types de baccalauréat préparés sont également des marqueurs sociaux très forts ; dérive qui s’accentue encore plus à l’entrée du supérieur.
Après tant et tant de réformes au cours de ces dernières décennies, l’échec de la démocratisation est patent et ce n’est pas sans conséquences sur les individus et la société.
Il est communément admis que « l’ascenseur social » est en panne, c’est-à-dire que nos jeunes globalement vivront moins bien que leurs aînés, dans un contexte social, économique et politique pesant.
La dernière réponse de l’institution au malaise scolaire, se résume en une réforme des collèges qui ne répondra en rien à nos problématiques, ce que la FSU a dénoncé au Conseil Départemental de l’Education dans sa déclaration liminaire : (extrait)
… Sur le collège, nous sommes d’accord, il y avait urgence à réformer, tant les difficultés sont importantes .La profession n’est pas figée sur cette question. Acteurs sur le terrain au quotidien, nous sommes les premiers à constater les difficultés de nos élèves et la quasi impossibilité d’y remédier, mais voilà, lorsque notre expertise ne compte pas, lorsque nos propositions ne sont pas retenues et qu’il y a rien à négocier, il ne faut pas s’étonner au mieux du manque d’enthousiasme de la mise en œuvre, au pire du rejet. Nous le redisons haut et fort, cette réforme ne transformera pas le collège, elle ne donnera pas une égale chance de réussir à tous, elle ne réduira pas les déterminismes sociaux. Diminuer les horaires n’a pas de sens : moins d’école, c’est plus d’inégalité ! …
Après les attentats du 13 novembre 2015, l’émotion était forte et les discours sur l’école prenaient une dimension particulière : Il fallait absolument répondre à l’obscurantisme par l’élévation des savoir, le développement des capacités d’analyses, le vivre ensemble et faire vivre les valeurs de la république. Où en sommes-nous aujourd’hui, l’émotion passée ? Percevez-vous des changements dans notre quotidien professionnel ? Sommes-nous en capacité de répondre à des enjeux fondamentaux ?
L’ affaiblissement de la valeur des contenus disciplinaires au profit d’une évaluation plus importante des domaines et composantes du socle au Diplôme National du Brevet, est en fait la plus mauvaise des réponses.
Comment par exemple, se prémunir des dangers qui guettent notre vieille Europe, avec une montée évidente du fascisme dans nombre de pays, si le collège reste superficiel sur ces questions là ? Quels éclairages pour nos élèves, futur(e)s citoyen(ne)s ?
Si le collège n’est pas (ou plus) en capacité de traiter les questions fondamentales de notre temps et d’en faire quelques analyses (même succintes), alors pour des centaines de milliers de jeunes, ces questions ne seront jamais traitées et en cela, l’inégalité (de l’offre scolaire et de traitement)qui en découle, devient une vraie bombe à retardement sociale.
N’en doutons pas un instant, les chantres du populisme sauront exploiter à leur compte, les ravages d’une éducation au rabais, qui pénalise toujours les plus défavorisés.
Au cœur de l’action éducative, nous avons la responsabilité, d’éclairer la population sur la question des contenus disciplinaires et du virage éducatif entrain de s’opérer, d’ être force de propositions et de nous opposer à l’administration en cas de désaccords : il y a des limites à l’obéissance !