Le choix d’école du Ministre de l’éducation nationale
A l’heure où le gouvernement réforme tous azimuts le système scolaire français, Bernadette Groison, secrétaire générale de la Fédération Syndicale Unitaire tient à donner les grandes lignes et les principes qui devraient nous guider dans ces réformes.
Annonces, réformes, mesures déferlent sur l’Éducation : Parcoursup, baccalauréat, orientation, lycée, formation professionnelle, retour aux fondamentaux au primaire, instrumentalisation de certaines sciences pour asseoir des préconisations pédagogiques parfois contraires aux programmes, injonctions, complaisance pour l’école privée, promotion de l’apprentissage pré-bac aux dépens des lycées professionnels… Leur justification serait la nécessité d’améliorer et de moderniser le service public d’éducation, ce qui est un souci permanent de celles et ceux qui le font vivre. En réalité, cela cache mal une remise en en cause des valeurs les plus fondamentales de l’École publique.
Tout d’abord celle de l’égalité. Tout en prétendant viser la réussite de l’ensemble des jeunes, les choix faits consistent à augmenter les outils de sélection, réduire les moyens d’enseignement, dénaturer le caractère national du bac, lier la formation professionnelle aux seuls besoins des entreprises ou limiter l’ambition à la maîtrise des fondamentaux pour une part des élèves… Ils renforcent les inégalités scolaires en maintenant le poids des déterminismes sociaux. Ils limitent l’ambition des parcours scolaires et traduisent un renoncement à une élévation générale du niveau de connaissances et de qualifications. Ils négligent la construction d’une culture commune indispensable à l’émancipation et à l’exercice d’une citoyenneté éclairée. Les dispositifs ciblés en faveur d’un petit nombre d’élèves, issus des milieux populaires, reviennent à abandonner des mesures pour le plus grand nombre qui permettraient de mieux lutter pour l’égalité. De même, l’abaissement de la scolarité obligatoire à trois ans n’entérine que l’existant sans poser la question de l’amélioration des conditions de scolarisation, tout comme le dispositif « parcours sup » ne pose pas celle de la démocratisation de l’enseignement supérieur.
Ensuite celle de la fraternité. L’épanouissement individuel, l’individualisation des parcours, le bien-être de chacun ne peuvent suffire à constituer les finalités de notre système éducatif. Pour contribuer à une société plus juste, plus solidaire, plus fraternelle, l’École doit rester le lieu d’une émancipation collective où la réussite individuelle ne peut se faire aux dépens des enjeux de la culture commune, de la citoyenneté, d’élévation générale des savoirs et qualifications, et rompre avec la sélection et la compétition. Elle doit être un lieu d’accueil, d’ouverture sur le monde et d’apprentissage de la vie en société.
Ensuite encore celle de la liberté. Liberté pour les jeunes de construire leur avenir et de faire des choix débarrassés des déterminismes de toute sorte, à l’inverse du risque d’enfermement et de soumission au court terme que contiennent par exemple les mesures actuelles sur l’orientation.
Liberté pour les personnels d’exercer leurs métiers en toute responsabilité. Tout en proclamant une école de la confiance, le Ministre pèse sur les choix pédagogiques et éducatifs des enseignants et de l’ensemble des personnels par la prescription injonctive. Au prétexte d’une vérité scientifique qui, en réalité, relève de choix particuliers, il renonce au pluralisme de la recherche et contrevient au principe d’une liberté pédagogique qui devrait pouvoir s’exercer dans la seule limite des programmes et des projets d’écoles et d’établissements. Notre démocratie a patiemment construit l’équilibre qui inscrit les finalités du projet scolaire dans la loi mais fonde les organisations pédagogiques et didactiques sur la compétence professionnelle. Décider arbitrairement de la remise en cause de cet équilibre en niant l’expertise professionnelle ne sera pas sans conséquence sur la qualité de l’école. Notre système éducatif, au contraire, aurait besoin pour progresser que soient favorisées l’initiative et la formation initiale et continue des enseignants et des équipes.
Enfin, celle de l’affirmation du service public comme étant le bien commun seul à même de répondre aux ambitions démocratiques de l’école. Car garantir un service public d’éducation est un devoir de l’État fixé par la Constitution. Or certaines réorganisations font et feront la part belle aux initiatives privées dont la finalité économique et sociale est loin de servir l’intérêt général. La multiplication des discours institutionnels favorables aux projets privés est un choix idéologique, exercé aux mépris de l’analyse objective et des valeurs de laïcité indispensables à notre société. Seul le service public peut garantir l’intérêt général. Remettre en cause ce principe constitue un risque majeur.
L’Éducation est un enjeu fort pour l’avenir de notre société. Cela implique une politique déterminée sur des objectifs de réussite pour tous les élèves et un investissement en conséquence pour l’école et l’avenir de la jeunesse.
Bernadette GROISON, secrétaire générale de la Fédération Syndicale Unitaire