En cette période de luttes pour la défense de nos retraites et pour l’abandon du nouveau projet de loi de Macron et de sa « majorité gouvernementale », alors que beaucoup de « choses » sont dites, écrites dans des médias, le plus souvent aux ordres, il nous a semblé intéressant de collecter, de résumer, afin d’y voir plus clair, un certain nombre de données, de points de vue différents, que les « officiels », provenant des économistes d’Alternatives Economiques ou d’organisation comme ATTAC ou même le COR…

Ambroise Croizat, un des acteurs majeurs de la mise en place du système de Sécurité sociale à partir de 1945,disait à la Libération : « La retraite ne doit plus être l’antichambre de la mort mais une nouvelle étape de la vie ». Or ce que nous propose Emmanuel Macron à travers sa nouvelle réforme des retraites, sa première version (retraite par points) de 2019 ayant été mise en échec par une forte opposition et 2 ans de COVID, c’est de travailler toujours plus longtemps en repoussant l’âge légal de la retraite (65 ans ou 64 ans avec allongement accéléré du nombre d’années de cotisations pour un taux plein).

En 2022, il n’est plus question d’équité pour justifier le projet de recul de l’âge légal de la retraite. Plusieurs arguments ont été avancés tour à tour par Emmanuel Macron et son gouvernement. Tout d’abord, l’épouvantail du péril financier du système de retraite a été brandi. Ensuite, la réforme a été justifiée par les économies dégagées pour financer d’autres projets (éducation, santé,

transition énergétique) ou pour améliorer les retraites, notamment les petites pensions. Enfin, l’argument « nous n’avons plus les moyens pour financer le déficit des retraites » a été ressassé en boucle.

 

Le refus du gouvernement d’augmenter les cotisations ou les impôts montre bien que l’objectif de la réforme n’est pas d’équilibrer le système de retraite mais de baisser les pensions et donc les dépenses publiques, quitte à tenter de « déminer » le terrain, et pourquoi pas d’ essayer de diviser et briser l’unité syndicale ainsi que l’opposition de 70 % des français en faisant quelques petits aménagements à la marge ou en essayant de lâcher quelques minces « avancées »… Bref en racontant des bobards…

 

L’urgence financière est le premier argument choc d’Emmanuel Macron pour imposer sa réforme des retraites. La pérennité du système de retraite serait, soi-disant, mise en péril par son déséquilibre financier.

Mais cet argument s’effondre après la publication du dernier rapport du COR (Conseil d’orientation des retraites). Après deux années d’excédents, 900 millions d’euros en 2021 et 3,2 milliards d’euros attendus en 2022, la branche retraite devrait accuser un déficit minime d’ici 2032 (0,5 à 0,8 point

de PIB). De plus, fin 2020, les réserves nettes totales du système de retraite s’élevaient à 8,3 % du PIB (191 milliards d’euros). Donc, pas d’urgence financière, et ceci, toujours d’après le COR, au moins jusqu’en 2070 !!!

L’argument des dépenses trop élevées ne tient donc pas. L’objectif de la réforme est en fait la réduction des dépenses publiques pour rassurer la Commission européenne. Il est dans la continuité des réformes précédentes : baisser les pensions et inciter celles et ceux qui le peuvent à

les compléter en se tournant vers les complémentaires (retraite par capitalisation)…

Et, à terme, détruire le système de retraite mis en place en 1945, puis étendu et amélioré pour que l’assurance vieillesse n’assure plus seulement la survie des retraité.es mais leur permettent d’entamer une nouvelle vie indépendante.

Dire que le système de retraite par répartition est financièrement en danger est un bobard !

Débouté, Macron expliquait alors que la réforme n’aurait plus pour but de changer la société ni d’assurer la pérennité d’un des piliers de l’État social, mais servirait à financer d’autres dépenses (éducation, santé, climat…) .et la seule solution pour dégager des ressources budgétaires serait de

travailler plus et plus longtemps !!! Et le même, d’argumenter avec des chiffrages amalgamant le financement de la protection sociale qui repose sur les cotisations, et le financement des politiques publiques assuré par l’impôt… tout en oubliant l’essentiel qui est que si le gouvernement manque de ressources pour financer les dépenses d’avenir, c’est parce qu’il se prive de recettes avec les cadeaux fiscaux aux grandes entreprises et aux ménages les plus riches et que seule une politique fiscale plus juste permettrait de dégager les ressources nécessaires aux politiques publiques…

Les économies potentielles sur les retraites ne représentent rien face aux besoins dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de la transition énergétique (besoin évalué à 5 % du PIB pour la seule transition écologique).

Dire que la réforme des retraites financera de grands projets est donc un autre bobard…

 

Lors d’une réunion avec les partenaires sociaux, un autre argument pour justifier la réforme des retraites a été avancé par Olivier Dussopt : la France n’a plus les moyens de financer le déficit du système de retraite.

Pourtant c’est faux ! Exception faite des deux années de crise de 2009 et 2020, la richesse annuelle produite par l’économie française continue d’augmenter quoiqu’à un rythme plus faible que par le passé. Il est donc tout à fait possible de répartir les richesses et de financer un système de retraite par répartition meilleur que le système actuel.

Les déficits enregistrés par le système de retraite résultent en premier lieu des multiples exonérations de cotisations sociales non compensées, mais aussi d’une politique de blocage des taux de cotisation employeurs et salariés depuis 2017 alors que la population de retraité.es a continué d’augmenter.
Emmanuel Macron persiste dans cette stratégie de refus de toucher au niveau des cotisations sociales en affirmant que pour équilibrer le système, il faudrait 400 €de prélèvements en plus par an et par salarié.e en 2027, ce qui provoquerait une baisse des pensions « insupportable
pour nos retraités ». Toujours la vieille technique de la dramatisation ! Car on ne sait pas d’où sort ce montant de « 400 € ». Par exemple, l’économiste Michaël Zemmour situe l’équilibre du système en 2027 au niveau de +11 € de cotisation vieillesse par mois pour une personne au SMIC et +22 € pour une personne au salaire moyen en cas de hausse répercutée uniquement sur les salarié·es. Mais ces sommes seront réduites de plus de moitié, dès lors que les employeurs en assumeront leur part.

L’élargissement de l’assiette des cotisations aux profits distribués constitue une autre piste.
Augmenter la masse des cotisations vieillesse est la seule solution qui puisse pérenniser un système de retraite par répartition de haut niveau, car les recettes provenant de l’impôt peuvent être réduites selon le bon vouloir du gouvernement et même les réserves des Fonds de réserves des retraites peuvent être partiellement détournées par l’État.C’est le cas des réserves du Fonds de Réserve Retraites(FRR) et des menaces pèsent sur celles des retraites complémentaires Agirc-Arrco .
Depuis les années 1980, les réformes fiscales ont systématiquement réduit les recettes de l’État. Ces dernières sont passées de 22,6 % à 16,6 % du PIB entre 1981 et 2019, notamment à cause des cadeaux fiscaux aux ménages les plus riches et aux grandes entreprises. Si l’on y ajoute l’argent de l’évasion fiscale, il y aurait de quoi financer de grands projets et abonder un Fond de réserve retraite stabilisateur des chocs.
Dire que la France n’a pas les moyens de financer son système de retraite actuel est encore un bobard

 

Certes l’espérance de vie à la naissance des femmes et des hommes a augmenté de plus de seize ans entre 1950et 2019, mais ses gains décélèrent. En 2021, après le repli2020 lié au Covid, elle était inférieure au niveau atteint en 2019 (- 0,2 an pour les femmes et – 0,4 an pour les hommes). C’est peut-être l’amorce d’une stagnation ou d’une baisse de l’espérance de vie dans le futur.

Repousser l’âge légal de la retraite à 65 ans est une mesure particulièrement injuste car de grandes inégalités d’espérance de vie sont enregistrées en fonction du niveau de vie, de la catégorie sociale et des diplômes.Ainsi, en 2021, 23 % des plus pauvres (30 % des hommes)sont déjà morts à 65 ans contre 5 % des plus riches . Les hommes cadres vivent en moyenne 6,4 ans de plus que les ouvriers (3,2 ans pour les femmes). L’écart est encore plus marqué entre « diplômés du supérieur » et « non diplômés » (+ 7,5 ans chez les hommes et + 4,2 ans chez les femmes).
De surcroît, l’espérance de vie en bonne santé à 65 ans,c’est-à-dire le nombre d’années qu’une personne peut compter vivre sans souffrir d’incapacité dans les gestes de la vie quotidienne, s’élevait en France, en 2020, à seulement12,1 ans pour les femmes et 10,6 ans pour les hommes.

La réforme va aussi allonger la période de précarité.De nombreux seniors alternent déjà chômage et inactivité entre sortie du marché du travail et retraite. Ainsi, 32 %des personnes nées en 1950 n’étaient plus en emploi l’année avant leur retraite. Les seniors, particulièrement les femmes, risquent d’être plus nombreux et plus longtemps au chômage car les entreprises s’en débarrassent.
Repousser l’âge de la retraite est donc injuste socialement, De plus, les économies globales générées par la retraite à 65 ans seront moins élevées qu’attendues car la réforme conduira à un transfert de dépenses des caisses de retraite vers l’assurance chômage, la maladie, l’invalidité et les minima sociaux.
On vit plus vieux, on doit travailler plus longtemps est définitivement un énorme bobard !

 

 

Pour clore, si nous récapitulons, le but de la réforme des retraites 2022 est de baisser les dépenses de retraite pour dégrader radicalement, à terme,ce pilier de la protection sociale qu’est le système de retraite. Ce démantèlement du système de retraite vise au développement des fonds de pension. Les actifs qui sont en emploi devront travailler plus longtemps avec le recul de l’âge légal de départ à la retraite et avec, éventuellement,un allongement de la durée des cotisations vieillesse pour toucher une retraite à taux plein. Les autres verront s’allonger leur période de précarité en attendant la retraite.

Pourtant, la situation financière du système de retraite ne justifie pas cette réforme ; les déficits minimes et conjoncturels du système à moyen et long-terme pourraient être comblés par les fonds de réserve des retraites par répartition ou par l’augmentation des cotisations,à laquelle s’opposent Macron et le Medef,l’amélioration de l’emploi et des salaires, la suppression des exonérations de cotisations.
L’enjeu de la réforme n’est pas l’équilibre financier du système, il s’agit bel et bien d’un choix de société sur la part de la richesse nationale consacrée aux retraité.es.
Macron, sous les injonctions de Bruxelles et du grand capital, a tranché, sans débat démocratique. Cette part doit être contenue à 14 % du PIB, voire moins,alors que la population de retraité.es continue de croître et que leur paupérisation, qui est déjà en cours sous l’effet des différentes réformes passées, n’est pas acceptable.
Les Français et les Françaises ne s’y trompent pas puisque 70 % s’opposent au report de l’âge légal de la retraite…et plus de la moitié sont prêts à accepter une hausse des cotisations.
Cette réforme sera particulièrement injuste pour les précaires, notamment les femmes qui seront encore plus pénalisées en devant travailler encore plus longtemps que les hommes.

Les durées d’espérance de vie sont beaucoup plus faibles pour les pauvres, les non diplômés et les non-cadres. On ne vit pas plus longtemps à la retraite, l’espérance de vie à la retraite ayant même reculé d’un an entre la génération 1950 et 1953.

Les seniors auront aussi des difficultés à travailler plus car les entreprises s’en débarrassent (souvent dès 50 ans). Enfin, la mise en concurrence des seniors avec d’autres actifs dégradera l’accès à un emploi pour d’autres catégories, jeunes, femmes, personnes au chômage, ainsi que les conditions générales de travail des actifs pour le plus grand bénéfice du patronat.

Refuser le projet de réforme ne veut pas dire que l’on doive conserver en l’état le système actuel car des reculs sont en cours (baisse du niveau de vie relatif des retraites,augmentation du taux de pauvreté…) et les inégalités de salaires femmes-hommes sont amplifiées par ce système.

Mais des solutions existent.
Des mesures de progrès social sont à mettre en place.
Il faut augmenter les salaires mis à mal par l’inflation,instaurer l’égalité du salaire femmes-hommes et revaloriser les salaires des premier.es de corvée. On fera ainsi d’une pierre, deux coups : un meilleur partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits et une augmentation du volume de cotisations.
Une participation accrue des femmes à l’emploi dégagerait des ressources importantes pour le système de retrait puisque la France ne se classe qu’au 20ème rang sur 38 pays dans l’OCDE pour le taux d’emploi des femmes.
Il faut activer le levier de la hausse des cotisations vieillesse, bloqué depuis 2017 et en faire assumer une part majeure aux employeurs. Une autre piste consiste à élargir l’assiette des cotisations aux profits distribués.
Le calcul des retraites devra être remis à plat, afin de mieux prendre en compte la diversité des parcours professionnels(carrières longues ; pénibilité ; périodes à temps partiel, au chômage ou en inactivité ; intégration des années d’études).
Les pensions devront aussi être indexées sur la valeur la plus forte entre l’inflation et le salaire moyen.
Travailler moins longtemps et mieux, pour travailler tous et toutes pourrait également s’inscrire dans une démarche collective de sobriété, nécessaire face au changement climatique.

C’est pourquoi, nous combattons et devons continuer à combattre avec détermination la casse de notre système de retraite, voulue par Macron et son gouvernement.