Dans son édition du 1, 2 et 3 février 2019, le journal « l’Humanité » donne à lire les contributions de quelques intervenants parmi les milliers qui se sont exprimés, dans le cadre « des cahiers de la colère et de l’espoir », pour sortir du cadre très contraint des « grands débats », imposé par Emmanuel Macron.

Les trois déclarations d’enseignants, qui vous sont proposés, valent tous les éditos !

Elles résument, le découragement, le désespoir parfois l’incompréhension mais aussi l’engagement profond de ces collègues et leur volonté de faire réussir leurs élèves.

Ils sont certainement à l’image des centaines de milliers d’autres en souffrance, qui coûte que coûte, tentent de remplir leurs missions avec abnégation, dans des vents contraires.

Il n’est ni normal, ni acceptable de tant souffrir au travail, même pour de nobles causes.

Il faudrait bien que nous retrouvions enfin le sens du collectif, pour finir par imposer une autre vision de l’école dans l’intérêt de nos élèves et l’intégrité morale, physique et psychique du corps enseignant.

1ère contribution : Olivier Robelin, enseignant à bout !

Je suis un directeur dans une petite école de campagne. Chaque jour, 200 élèves franchissent le portail de mon école. Chaque jour, je fais tout pour qu’ils soient tous en sécurité physique, affective, psychologique. Chaque jour, je fais tout ce que je peux pour leur rendre cette journée la plus agréable possible, et ce afin qu’ils soient disponibles pour apprendre et grandir. J’adore mon métier, je me lève le matin avec l’envie d’accomplir ma mission au mieux. Mais je n’en peux plus. Je n’en peux plus que ma hiérarchie, y compris au plus haut, dénigre mon travail et considère qu’après des études longues et un concours très difficile, il soit normal que mon salaire soit d’à peine 2 000 euros, que je suis un coût pour la société, presque une charge. Je n’en peux plus que l’ensemble de mes concitoyens pensent que je me la coule douce six mois par an, alors que je travaille entre 50 et 60 heures par semaine et au moins la moitié de mes fameuses vacances, et même plus durant l’été. Je n’en peux plus de devoir gérer près de 30 élèves dans ma classe. Cette classe chargée m’empêche de faire mon travail d’enseignant correctement et ce sont les élèves qui en pâtissent. Je n’en peux plus de devoir me battre pour tout : les moyens pour travailler, du temps pour se concerter avec mes collègues, le remboursement des frais avancés. Je demande donc aujourd’hui que l’ensemble de l’éducation nationale soit remis à plat. Il faut tout repenser. Nous avons des salaires parmi les plus bas de l’OCDE, le nombre d’élèves par classe parmi les plus hauts, le nombre d’heures de classe le plus élevé, le nombre de jours de classe le plus important, et aussi les résultats parmi les plus faibles. Il est temps ! Il est grand temps ! Nous allons dans le mur et les enseignants sont en première ligne face à ce mur. S’ils se fracassent dessus, personne n’en sortira gagnant.
2ème contribution : Mélanie Carpier : « Élèves en danger, professeurs méprisés »

Ça ne fait que deux ans que je suis professeure de français, et je suis triste, si triste… Et je suis en colère, tellement en colère… Constater à quel point les gens considèrent les enseignant(e)s comme des moins que rien, des nounous, des animateurs(trices), des fainéant(e)s, des râleurs(euses), des touristes, des planqué(e)s, et j’en passe… ça m’attriste au plus haut point. C’est comme si mon métier était un punching-ball, qu’on l’utilisait pour le plaisir de se défouler. Et qui sont ces gens qui critiquent si aisément le métier d’enseignant(e) sans rien y connaître ? Je ne comprends pas cette haine, ni ce mépris.

3ème contribution : Rachel Alfieri : « Cauchemar à l’école »
Je suis enseignante en primaire depuis vingt ans. J’adore mon métier et ne compte plus mes heures hebdomadaires. Je souhaiterais juste pourvoir en vivre dignement, respectueusement. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas : trop de disciplines à enseigner, de tâches annexes à accomplir, trop d’enfants à profil différent à accueillir dans la même classe sans aide, trop de défiance des familles et de la hiérarchie. Toutes ces accumulations nuisent à ma motivation, à la qualité de mon investissement et donc aux résultats de mes élèves !