Monsieur l’Inspecteur d’Académie, Mesdames et Messieurs les membres du CSA D,

Au lendemain d’une grève unitaire et majoritaire dans l’Éducation Nationale le 1er/02/2024, aucune annonce n’a été faite par Mme la Ministre Oudéa-Castéra pour répondre aux revendications des personnels. Nous avons une nouvelle fois le sentiment d’être méprisés.

Méprisés nous sommes quand nous constatons le faible niveau de rémunération qui est le nôtre au Ministère de l’Éducation nationale. Nous dénonçons l’absence de prise en compte des effets de l’inflation sur notre traitement. Le gouvernement persiste à refuser une hausse significative du point d’indice, quand, dans le même temps députés et sénateurs augmentent sans vergogne leurs enveloppes de frais respectivement de 300 et 700 euros…

Méprisés nous sommes quand nous constatons que le Président Macron n’a aucune vision à long terme. Il expose, à des fins électoralistes et démagogiques, une vision passéiste et fantasmée de l’école qui n’a aucun rapport avec ce que vit au quotidien l’ensemble de nos collègues qui œuvrent avec dévouement pour un service public de qualité.

Méprisés nous sommes quand le ministre Attal n’occupe son poste de ministre de l’Éducation Nationale que 5 mois et se sert du MEN comme strapontin pour faire sa carrière politique.

Méprisés nous sommes quand les mesures et annonces démagogiques du gouvernement Attal constituent un pas de plus vers une école inégalitaire et de tri social. Avec la réforme annoncée du « choc des savoirs », le gouvernement Attal parachève le plan de destruction planifié par ses prédécesseurs. Promotion de l’apprentissage, Parcoursup, réforme du lycée, du bac et désormais du brevet et du collège forment un ensemble cohérent mais dévastateur. Il s’agit de détruire l’ambition égalitaire du service public en sélectionnant et en triant dès le plus jeune âge les enfants scolarisés à l’école publique. Désormais dès la sixième les élèves seraient assignés à un destin scolaire largement déterminé par leur milieu social. Nous ne pouvons l’accepter.

Méprisés nous sommes, quand une énième réforme du lycée professionnel et de l’année de terminale bac pro, annoncée mi-octobre, est mise en place à marche forcée, malgré une forte mobilisation contre elle et un rejet unanime au CSE. En 20 ans, un élève de bac pro a perdu plus de 40 % de son temps de formation. Ni nos élèves, ni notre pays n’ont intérêt à voir ainsi, de « réforme » en « réforme », saccager la formation professionnelle sous statut public. C’est une déqualification de masse d’une partie de la population qui s’organise ainsi. 30 % des jeunes sont en LP en métropole, et plus de 50 % dans les départements d’outre-mer. Et les effectifs augmentent. L’ensemble des jeunes, quelle que soit leur origine sociale ou territoriale, doit se voir proposer, jusqu’à la majorité, les mêmes chances d’accès au savoir et à la culture. Pour cela, il faut que le gouvernement cesse urgemment de verser des milliards d’euros aux entreprises et au secteur privé en général pour investir massivement dans le secteur public, pour le bien du plus grand nombre.

Méprisés nous sommes quand la ministre Oudéa-Castera, nouvellement nommée, consacre ses premières prises de positions à un plaidoyer pour l’école privée : cela a été un véritable camouflet pour la profession tant nous nous sommes sentis attaqués dans notre professionnalité.

Méprisés nous sommes quand nous constatons la précarisation grandissante du métier par le recours à des contractuels non formés et la mise sous tutelle de la liberté pédagogique (groupes de niveaux, méthodes obligatoires, préconisations, multiplication des évaluations nationales, labellisation des manuels).

Méprisés toujours quand on projette l’avancée du concours d’enseignant à bac + 3 (L3) au lieu de bac + 5 aujourd’hui, ce qui constituerait un recul majeur en termes de contenu et de formation universitaire et remettrait en cause la qualité d’enseignant expert de sa discipline et concepteur de ses pratiques.

Que dire enfin de la situation que vivent les accompagnant.es des élèves en situation de handicap ? Alors que le ministre annonçait le 29 septembre une « belle et heureuse rentrée inclusive », nos collègues AESH vivaient au jour le jour la réalité de la mutualisation forcée, des PIAL bientôt PAS, des salaires de misères, des temps partiels imposés et la réalité d’une institution maltraitante.

Alors oui, nous sommes contraints d’admettre que nous n’avons pas la même vision de l’École que nos dirigeants.

Là où nous considérons que l’école, le collège et le lycée doivent permettre à toute une classe d’âge d’élever ensemble son niveau de qualification, le gouvernement nous répond groupe de niveaux, sélection et tri social.

Là où nous croyons à la mixité, notre propre ministre préfère, à titre individuel, les classes non-mixtes.

Là où nous considérons qu’il est nécessaire de mettre en œuvre une autre répartition des richesses pour financer le Service Public, les suppressions de postes continuent à la rentrée prochaine. Les annonces du désormais Premier Ministre ne trompent pas. Elles dégradent toujours les conditions de travail des personnels et d’étude des élèves. Dans notre académie par exemple, dans le second degré, 28 emplois définitifs sont supprimés (pour des effectifs quasi constants) et sont remplacés par des crédits de rémunération équivalents à 28 emplois. Pour se rendre compte de la situation, la mise en œuvre de groupes à 15 pour les élèves de 6ème et 5ème les plus fragiles nécessite au minimum 78 emplois dans l’académie ; la mise en place des classes prépa lycée (une par département à la rentrée 2024) coûte 4,5 emplois… Au plan national, le Premier ministre préfère dilapider l’argent en achetant des uniformes pour nos collégiens, en instaurant le Service National Universel ou encore en donnant à des écoles privées qui, de l’aveu même d’un rapport de l’Inspection, promeuvent une politique de non-mixité, ou encore d’homophobie structurelle.

Par respect pour tous ses personnels qui œuvrent au quotidien, la ministre doit partir, et le gouvernement doit entendre les revendications légitimes des syndicats majoritaires dans l’Éducation Nationale. Nous avons besoin d’un ministre à plein temps et d’une politique ambitieuse qui croit réellement aux valeurs humanistes qui devraient tous nous régir.